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(Lecture 106) Les Yeux De Mona

Année de parution: 2024
Auteur: Thomas Schlesser
De quoi parle le livre dans son ensemble ?
Il s’agit de l’histoire (fictive) d’une fillette de dix ans nommée Mona. Un matin, alors qu’elle fait ses devoirs de mathématiques, un incident traumatique survient : elle perd la vue pendant une trentaine de minutes avant de la retrouver comme par magie. L’intrigue principale du livre tourne autour du mystère de cette étrange condition. Mona passera des batteries de tests avec des spécialistes et sera également accompagnée par un mystérieux psychiatre, chez qui Dadé, son grand-père, l’emmène chaque mercredi.
En réalité, ce psychiatre n’existe pas. Il est une pure invention. Au lieu de cela, Dadé emmène Mona dans les plus grands musées d’art parisiens (Louvre, Orsay, puis Beaubourg) pour lui faire découvrir une œuvre par semaine, de peur qu’elle ne perde définitivement la vue un jour. À travers ces visites, Dadé transmet à Mona les précieuses leçons que l’art recèle.
Que dit-on en détail, et comment ?
Le livre explore de nombreuses réflexions sur la vie, son sens, le deuil et la mort, principalement à travers les dialogues entre Mona et Dadé. Chaque chapitre est centré sur une œuvre d’art différente, permettant au lecteur d’enrichir ses connaissances sur l’histoire de l’art.
Chaque chapitre débute par une scène de la vie quotidienne de Mona : dans la boutique de son père, chez le Dr Van Orst avec sa mère ou encore à l’école avec ses amis. La seconde partie du chapitre se déroule au musée, où Dadé et Mona se retrouvent. Chaque œuvre est décrite avec précision, facilitant ainsi son appréciation dans les moindres détails. Mona tente d’analyser l’œuvre avant que Dadé ne lui en dévoile le contexte historique. Le chapitre se conclut sur une leçon tirée de l’œuvre étudiée.
Le livre est-il vrai, en tout ou en partie ?
Tous les personnages et leurs interactions sont fictifs. En revanche, les œuvres et les lieux sont réels. L’auteur, Thomas Schlesser, historien de l’art, écrivain et directeur de la Fondation Hartung-Bergman, partage ainsi ses connaissances à travers ce roman.
Que peut-on tirer du livre ?
On y apprend à la fois sur l’histoire de l’art occidental et sur la condition humaine. Le récit maintient également le suspense à travers plusieurs mystères :
- Que va-t-il arriver aux yeux de Mona ?
- Pourquoi Dadé refuse-t-il de parler de sa défunte épouse ?
- Le père de Mona parviendra-t-il à sauver sa boutique d’antiquités ?
- La famille de Mona découvrira-t-elle qu’elle va au musée avec son grand-père au lieu de consulter un psychiatre ?
Mon review
Ce livre a été une lecture rafraîchissante. En tant que néophyte en histoire de l’art, j’ai particulièrement apprécié cette visite guidée à travers les musées parisiens. Mais surtout, ce roman m’a donné envie de mieux apprécier l’art.
Après cette lecture, lors de ma visite au Musée des Beaux-Arts de Montréal, j’ai pris le temps de m’arrêter longuement devant une œuvre pour en observer chaque détail. C’est un exercice exigeant, et je comprends maintenant pourquoi Dadé limitait ses analyses à une seule œuvre par semaine.
L’échange entre Dadé, un homme riche en expériences, et Mona, une fillette de dix ans avide de vivre, était souvent émouvant. Leur manière de communiquer, sans détour et avec l’art en toile de fond, était inspirante. Si l’intrigue en elle-même passe au second plan par rapport aux échanges entre Mona et Dadé, elle apporte tout de même un réel supplément d’âme au récit. Bref, c’est un roman habilement construit, qui a su éveiller mon intérêt pour les arts visuels et leur histoire comme aucun autre auparavant.
Ce qui rend ce livre unique, c’est que la jaquette peut être dépliée pour révéler les 52 œuvres étudiées par Mona et son grand-père. Une immersion réussie qui renforce encore l’expérience de lecture !

« ‘Les Yeux de Mona’ n’est pas une histoire de l’art, c’est une initiation à la vie par l’art »
—Thomas Schlesser
Félix rating:
👍👍
👍👍
Vocabulaire
- Abscons(e): Adjectif. Très difficile à comprendre ; obscur, inintelligible.
- Roublard(e): Adjectif, familier. Capable d’user de moyens habiles, sinon peu délicats pour défendre ses intérêts.
- “Tutoyer les quatre-vingt ans,” donc approcher les quatre-vingts ans.
⭐ Star Quotes
- (p. 35) Il sera toujours temps pour celui qui reçoit de rendre, mais pour rendre, c’est-à-dire donner à nouveau, il est indispensable d’avoir été capable de recevoir.
- (p. 36) L’existence n’est valable qu’à condition d’en assumer les âpretés et que celles-ci révèlent, une fois passées au crible du temps, une matière précieuse et fertile, une substance belle et utile, qui permet à la vie d’être vraiment la vie.
- (p. 92) Les très grands génies ont besoin de spectateurs alertes et visionnaires.
- (p. 118) Il n’y a pas de fête sans ses coulisses. Elle a sa part de défaite. Il faut donc s’en méfier, surtout quand elle s’automatise, devient une obligation sociale. L’injonction d’être heureux est intenable.
- (p. 184) Werner Herzog: “Au lieu de passer trois ans dans une école de cinéma, vous feriez mieux de marcher trois mille kilomètres.”
- (p. 198) ⭐ Les imperfections inhérentes à la vie sont tout le sel de l’existence.
- (p. 207) Disparus, nos aînés ne nous demandent pas de nous conformer à ce qu’ils ont fait ; ils nous disent juste d’être dignes de ce qu’ils furent.
- (p. 218) Les premiers sentiments d’injustice de la vie tiennent souvent à un détail dont l’impact est inversement proportionnel à la cause qui l’a suscité.
- (p. 283) Van Gogh: “Il n’y a rien de plus réellement artistique que d’aimer les gens.”
- (p. 294) L’existence d’un chef-d’œuvre tient parfois à des petits riens miraculeux. Il faut toujours rendre hommage aux pionniers qui savent voir avant les autres le génie d’un artiste.
- (p. 339) Ce sont les regardeurs qui font les tableaux.
- (p. 361) C’est par le rire qu’on chasse les fantômes.
- (p. 385) Friedrich Nietzsche: “Ce qui ne tue pas rend plus fort.”
- (p. 404) Avancer dans la vie, c’est faire cet effort ingrat de mettre au jour des blessures qu’on n’avait pas vues venir et qui, par leur discrétion même, traumatisent l’être tout au fond de son abîme.
- (p. 428) Rien n’est plus cruel que d’observer, pour la première fois de son existence, celle-là dont on croit qu’elle devrait toujours nous protéger, notre mère, être l’agente d’une humiliation et d’une douleur.
- (p. 449) En nous délestant de ce qui nous pèse, nous revivons, et ce qui nous pèse, c’est parfois ce que l’on aime.
- (p. 449) Une séparation c’est aussi une nouvelle vie, une nouvelle chance à saisir. Le départ est à la fois une fin et un commencement.
- (p. 457) Il faut s’archiver soi-même car, qui que l’on soit, héros ou anonyme, visible ou invisible, c’est dans l’archive de soi qu’on peut faire scintiller la mémoire du passé.
- (p. 475) C’est cela, l’apprentissage de l’enfance: la perte. À commencer par la perte de l’enfance elle-même. On apprend ce qu’elle était en la perdant, et on apprend qu’on perdra tout et tout le temps. Perdre est la condition indispensable de la sensation vitale, de l’intensité présente.
- (p. 475) Grandir, c’est perdre. Vivre sa vie, c’est accepter de la perdre. Vivre sa vie, c’est savoir lui dire au revoir à chaque seconde.