Auteur: Odette Eylat

Année de parution: 1992

Éditeur: Artulen

Lien vers mes notes manuscrites numérisées

Mon review

Je suis tombé sur ce livre méconnu lors d’une promenade dans les environs du Mont Tremblant. Il était dans une mini-bibliothèque en bord de route. Non seulement ma curiosité a été piquée par le titre, mais j’ai aussi été séduit par la couverture, qui est une véritable œuvre d’art.

Ce livre m’a intéressé parce que, contrairement à la plupart des ouvrages traitant de sujets similaires, celui-ci ne s’adresse pas au stressé, mais à la personne qui doit vivre avec lui. C’est une perspective originale : comme tout le monde, je vis des moments de stress et il m’est arrivé d’imposer mon stress aux autres. J’étais donc curieux de découvrir les conseils de l’auteure à destination de ceux qui doivent gérer un stressé, dans l’espoir d’apprendre à mieux me gérer moi-même. Et si, en prime, cela pouvait m’aider à mieux accompagner le stress des autres, ce serait une étape supplémentaire de franchie !

Vous remarquerez peut-être que je parle d’un stressé et de celle qui l’aide. Est-ce moi qui m’attarde sur des détails, ou bien l’auteure insiste-t-elle vraiment sur le genre de ses personnages ? Elle nomme « Elle » celle qui aide « Lui » (le stressé). Est-ce un simple raccourci de langage, ou une généralisation abusive ? J’ai parfois eu du mal à distinguer les deux au fil du texte, et j’ai donc pris les conseils avec un certain recul. Il ne revient pas seulement aux femmes de gérer le stress des hommes ; dans la vraie vie, les rôles sont souvent inversés.

J’ai trouvé dans ce livre quelques idées et phrases intéressantes qui, je pense, pourront m’être utiles. J’ai notamment apprécié que l’auteure parte du principe que ses lecteurs ne sont pas eux-mêmes des stressés, ce qui offre une perspective que je connaissais peu. Des phrases comme :

(p. 56) Le vrai stressé n’est pas un paresseux, il dépense généreusement son énergie, mais ce n’est pas en vue d’obtenir des résultats, c’est simplement pour jouer à celui qui est actif.

(p. 63) Pour le tracassé, l’échec n’est pas cette formidable école d’apprentissage de la réussite. Il préfère afficher un air soucieux et débordé qui, à ses yeux, […] le dispense de se corriger.

Ce genre de phrases frappe fort, et il serait malvenu de les dire à un stressé. Néanmoins, elles sont justes et peuvent aider ceux qui vivent avec des stressés à prendre du recul et à mieux orienter leur aide.

Voici quelques autres passages qui m’ont marqué :

L’homme enfant gâté

(p.66) L’homme enfant gâté :

  • ne finit jamais ce qu’il entreprend, […] ne se passionne que pour les commencements
  • se dit stressé dès qu’on lui demande d’être seulement autonome
  • amuse le boss, mais ne devient jamais patron
  • vieillira mal et seul, [il] fait l’artiste, mais sans posséder d’art, car il est trop superficiel pour approfondir ses connaissances, pour se discipliner et passer des examens. Il n’acquiert pas d’expériences, car, au lieu de retracer l’histoire de sa vie, il raconte des histoires.

Je dois admettre que je me suis longtemps reconnu dans ce portrait d’« homme enfant gâté ». Je n’aurais jamais voulu l’admettre, mais j’ai fait tout ce que l’auteure décrit. Se voir ainsi, noir sur blanc, et comprendre où cela mène (vieillir mal et seul, sans art), c’est une gifle. Cela fait réfléchir et pousse à se dire qu’on ne veut pas devenir un homme enfant gâté. Je dois donc apprendre à finir ce que j’entreprends, à être autonome sans être stressé, et à faire plus qu’amuser le patron : accomplir la tâche.

Comment le chat peut aider le stressé

Ce passage, qui explique comment un chat peut apprendre au stressé à vivre autrement, m’a surpris par sa profondeur. L’auteure est-elle passionnée par les chats ? En tout cas, parmi tous les textes que j’ai lus sur les chats, celui-ci est mon préféré.

Quand l’intermédiaire est le chat

(p. 94) Le chat est un être d’exception. [Il a une personnalité structurée.] […] Le chat présente des caractéristiques particulières ; il est doux par son pelage, il est rond lorsqu’il se repose, il est souple lorsqu’il se déplace, il est précautionneux, il a des gestes mesurés, il est autonome, il est auto-suffisant, il donne et il partage ce qu’il possède, mais dans une sage mesure et seulement si la demande est polie. Il a ses rites. Le chat s’intéresse visiblement à son environnement. Il est curieux, rien ne le laisse indifférent, pas plus les humains que les objets qui, pour lui, ont l’air d’avoir la même âme. L’attitude d’écoute est particulière : attentive mais flottante, comme pour saisir l’essentiel. Elle est ce qu’il y a de plus près de l’écoute de l’analyste. Il recueille, il favorise la parole. Toute la parole, une parole sans zone d’ombre, sans limite dans le temps ni dans l’émotion. Le chat est dépositaire de la parole, comme le ferait n’importe quel ami, mais le chat présente cet avantage : il ne donne pas son avis et il ne réagit par son expression qu’à ce qui est excessif. Le chat ne passe à un acte que contraint, mais il est alors sans indulgence.

(p. 96) Le chat calme en agissant par rétroaction (biofeedback). En effet, le chat ne supporte pas les gestes mal équilibrés ou lourdement dynamisés. Il manifeste sa désapprobation par la fuite. Or, le chat étant séduisant de nature, on a envie de le posséder et de le garder. On veut se le concilier, d’où la nécessité de faire un effort, aptitude défaillante chez le stressé.

La grimace dans le miroir

(p. 144) En un mot, le stress va s’occuper à couper toute envie au malheureux stressé. Toute envie de ce qui est plaisant : envie de manger, de s’amuser, de s’activer dans le plaisir, de ressentir la joie de vivre comme une normalité, de sourire, de se regarder dans une glace et de se faire une grimace de connivence, comme à un vieux copain.

Ce passage m’a fait sourire. J’ai récemment commencé à me regarder dans le miroir et à y voir un vieux copain, et non mon pire ennemi. C’est un changement de perspective infiniment subtil, mais tellement puissant.

Est-ce que cela signifie que j’ai surmonté mon stress ? Je ne sais pas. Mais j’aime que l’auteure résume ici tous les symptômes à surveiller pour mon bien-être. À quand remonte la dernière fois que j’ai eu envie de manger, de m’amuser ? Est-ce qu’être heureux est pour moi la norme ou l’exception ? Est-ce que, dans le miroir, je vois un vieux copain ?

Ces questions peuvent servir de repères pour savoir quand il est temps de prendre soin de soi.

En conclusion

J’ai apprécié ce livre. Il n’a pas révolutionné ma relation avec le stress, mais il m’a été utile. L’auteure m’a donné des images et des mots que je compte conserver précieusement pour m’aider à naviguer le stress au quotidien.

Le verdict de Félix:
👍


📚 Vocabulaire

  • (p. 13) Imbroglio : Situation confuse, embrouillée
  • (p. 61) Patronyme : Nom de famille transmis par le père
  • (p. 139) Esbroufe : Étalage de manières prétentieuses et insolentes
  • (p. 167) Laisser-aller à vau-l’eau : Laisser à la dérive

⭐ Star Quotes

Introduction

Première partie

Chapitre I : La préparation

  • (p. 13) Vivre avec quelqu’un, c’est d’abord faire fonctionner ses mécanismes d’adaptation.

Chapitre II : Des mots pour le dire

  • (p. 25) Un mot n’est jamais innocent, pas plus qu’un geste ou qu’une mimique. Le drame, c’est quand le geste, la mimique et le mot ne s’accordent pas.
  • (p. 32) L’angoisse se caractérise par “une sensation diffuse de peur de mourir ou de devenir fou, ou par une sensation de menace imprécise.”
  • (p. 38) Même les guerriers ont droit au repos, ne serait-ce que pour restaurer leurs forces.
  • (p. 48) “Tant qu’il y a de la parole, il y a de l’espoir.” – Boris Cyrulnik
  • (p. 50) Le déprimé souffre […] d’un handicap de la parole.
  • (p. 56) Le vrai stressé n’est pas un paresseux, il dépense généreusement son énergie, mais ce n’est pas en vue d’obtenir des résultats, c’est simplement pour jouer à celui qui est actif.
  • (p. 59) “Je ne marcherai pas à ta place, tes malaises sont à toi, tu peux compter sur mon aide, pas sur ma servitude.”
  • (p. 62) ✅ “Moi, j’aime les problèmes, c’est vivant. Quand il y a un problème, c’est qu’il y a une solution à trouver!”
  • (p. 63) Pour le tracassé, l’échec n’est pas cette formidable école d’apprentissage de la réussite. Il préfère afficher un air soucieux et débordé qui, à ses yeux, […] le dispense de se corriger.
  • (p. 69) ⭐ En disant qu’il travaille au lieu de dire qu’il joue, l’artiste fane les couleurs de son bouquet de joie.

Deuxième partie

Chapitre I : Normaliser les échanges entre le stressé et Elle

Chapitre II : Le jeu des couples

  • (p. 84) Une action est dynamisante pour celui qui l’entreprend.

Chapitre III : Le jeu de prince

  • (p. 106) Se vouloir unique, c’est aussi vouloir exclure.
  • (p. 109) Apprendre, c’est se lancer dans l’inconnu. Approfondir c’est plonger dans l’inconnu. Or, se lancer et plonger sont des mouvements que le stressé imagine très difficilement. L’aventure n’est pas son fort.

Chapitre IV : Le jeu de l’ange gardien

  • (p. 127) ⭐ Faire le deuil de quelque chose, c’est accepter de s’en séparer sans en faire un drame. Simplement accepter que la séparation fasse de la place pour quelque chose qui commence. C’est accepter avec une confiance raisonnable la dimension d’inconnu qui est le propre d’une situation nouvelle ou en évolution. C’est accepter de calmer ses peurs, en prévision d’une action.
  • (p. 128) “Oui, j’écouterai ta plainte, mais à la première répétition, je décroche.”
  • (p. 128) “Oui, je te demanderai : puis-je faire quelque chose pour t’aider? Mais, non, je ne déciderai pas : voilà ce que je vais faire à ta place.”
  • (p. 128) “Oui, ma vie existe sans toi, même si je la préfère avec toi.”
  • (p. 128) “Non, je ne dirai pas ‘on’ au lieu de ’tu’, parce qu’il n’y a pas de ’nous’ que s’il y a ‘je’.

Chapitre V : En fin de compte

Troisième partie

Chapitre I : Les champs de manoeuvre du stress

  • (p. 146) Vulnérable ne signifie pas vaincue.
  • (p. 150) Il est facile de dire “je veux,” moins facile de faire ce qui correspond à ce “je veux,” et encore plus difficile d’être certain que c’est bien cela que l’on veut.

Chapitre II : Les domaines du stress

  • (p. 162) Si le stress est une force destructrice, l’amour est une force restauratrice tout aussi puissante.
  • (p. 166) Quand tu te coinces le doigt dans une porte, c’est à toi seule que cela fait mal, même si les autres crient “aïe” pour te consoler.
  • (p. 167) Être aimable n’empêche pas d’être ferme. Être ferme n’empêche pas d’avoir de l’humour. Il y a de la marge entre détente et laisser-aller à vau-l’eau, entre décrisper et abandonner.
  • (p. 179) [N’hésitez pas] à faire suivre les demandes du stressé d’un “parfaitement, on va vérifier.” Avec un stressé c’est le premier mot qui compte, celui qui rassure.
  • (p. 179) La voix transporte des messages que les mots ne véhiculent pas.
  • (p. 189) ⭐ […] À s’entêter à raisonner [le stressé], […] Elle userait son énergie et sa patience, car, lui se complaît dans l’horreur des problèmes insolubles. C’est comme si, animée d’un sentiment altruiste, hautement louable mais inopportun dans ce cas, Elle voulait faire traverser, de force, la rue à un aveugle, venu là, juste pour entendre le roulement des voitures.

Chapitre III : Le poste de commandement du stress : Le bureau