Année de parution: 2013

Auteur: Li Hongzhi

Review

Un beau soir de février, je me promenais sur YouTube, quand soudain j’aperçus pour la énième fois une publicité pour un spectacle nommé Shen Yun. À en entendre les commentaires, c’était un spectacle extraordinaire à ne pas manquer. Vous avez probablement déjà vu ces publicités vous-mêmes:

Même si j’ose croire que j’ai rarement tendance à mordre à l’hameçon de la publicité, cette fois-ci tous les éléments étaient rassemblés pour que je morde:

• Après m’être plongé dans la culture du jeu de Go, j’avais une fascination latente pour la culture Chinoise.
• La fête de ma conjointe approchait, et je voulais célébrer son anniversaire en grand. Nous avions commencé à voir des spectacles ensemble, et cela me semblait être le cadeau parfait.
• Je savais depuis plusieurs années que Shen Yun existait, et j’étais curieux d’en savoir plus.
• Ce spectacle est impossible à voir en Chine… Qu’est-ce que cette troupe pouvait nous enseigner que la Chine craint tant?

Pour tout vous dire, j’étais absolument sous le charme lors de la première partie du spectacle de Shen Yun. Visuellement, mes attentes étaient comblées. Les artistes étaient tous excellents. J’y ai ri, et même presque pleuré d’émotion. C’était un moment intime pour moi qui, peu importe ce que Shen Yun représente réellement, restera bien gravé dans ma mémoire. Il faut dire que j’ai un point faible pour ceux qui découvrent la lecture et se sortent de l’ignorance, ce qui représente un thème majeur de la trame narrative du spectacle. Or, quand j’ai su que le livre sur lequel cette entreprise prenait racine était en vente pendant l’entracte pour 20$, j’ai sauté sur l’occasion. C’est de ce livre dont je vais vous parler aujourd’hui. Zuhan Falun - Tourner la roue de la Loi.

La dame qui m’a vendu le livre, d’apparence québécoise bien francophone (ce qui, avec le recul, me rend perplexe), m’a informé que c’était un texte très profond à lire du début à la fin, sans sauter de chapitres. Cela correspond à mon style de lecture, donc j’étais ravi d’entendre cela. Je pouvais m’attendre à en apprendre plus sur les fondements des croyances bouddhistes d’avant l’ère communiste de la Chine. Au menu: discussions sur la méditation, le karma, la réincarnation, et plus. Je sais bien que cela constitue des sujets ésotériques, mais je considère aussi que ce genre d’images et de métaphores peuvent avoir un effet profondément bénéfique sur la vie d’une personne lorsque bien appliqués. C’est avec excitation que j’ai entamé ma lecture.

Eh bien, j’ai le malheur de vous annoncer que c’est le livre que j’ai abandonné le plus rapidement dans ma vie. Après 10 pages seulement, la décision était prise et irrévocable. Voici la page où j’ai posé mon genou de lecteur, pour vous en donner un aperçu:

En résumé: tout le livre est un nonsens. L’auteur promet de grandes choses tout en nous assurant de ne jamais faire de promesses qu’il ne saurait tenir. Cela semble bon. Il nous met aussi en garde contre nos perceptions, et nous apprend que la majorité de ce que l’on connait est faux. Cela est intriguant. Toutefois, le vrai problème arrive quand on essaie de comprendre là où l’auteur veut en venir; lui qui a pris le temps d’écrire un livre, il s’efforce de nous expliquer que des maîtres comme Li Hongzhi peuvent réaliser des miracles, mais que les atouts pour y parvenir ne peuvent être transmis. Les réponses à nos questions doivent venir de notre intérieur, et il n’y a rien d’autre que des maîtres comme Li Hongzhi puissent nous enseigner, à part que nous ne savons rien.

J’ai défié la règle de celle qui m’a vendu le livre pour aller voir au-delà de la page 10 ce qui se cachait. Du début à la fin, le même ton, le même propos restait: on aurait cru lire un narcissique qui ventait les mérites de ses connaissances, mais que celles-ci ne pouvaient être enseignées d’aucune façon.

J’admets mes torts, je n’ai pas lu le livre au complet, et donc cela en biaise fortement mon opinion. Or, quelques recherches à propos de l’oeuvre m’ont vite fait comprendre que je n’étais pas le public cible. Le Zuhan Falun s’inscrit dans le courant religieux Falun Dafa (ou Falun Gong) , créé par Li Hongzhi , né en ~1951. Voici un résumé du Falun Dafa sur Wikipedia en date du 26 avril 2024:

Le Falun Gong (chinois simplifié : 法轮功 ; chinois traditionnel : 法輪功 ; litt. « pratique de la roue de la loi »), dont le nom officiel est Falun Dafa (法轮大法 / 法輪大法, grande loi de la roue de la loi), est un mouvement spirituel inspiré du qigong, créé par Li Hongzhi. Son enseignement combine la pratique de la méditation, avec des exercices aux mouvements lents et souples, ainsi que le travail sur soi à travers ce qu’il appelle les trois principes fondamentaux : l’authenticité, la bonté et la tolérance. En dépit du fait que les universitaires occidentaux le considèrent comme un nouveau mouvement religieux, les adeptes refusent catégoriquement cette classification.

Créé en 1992, le Falun Gong est d’abord rapidement reconnu et soutenu par les autorités chinoises. Sa popularité s’accroît grâce à des témoignages de guérisons et d’amélioration de la santé, le mouvement atteignant entre deux et soixante millions de pratiquants fin 1994. Les autorités chinoises exercent alors des pressions pour rendre la pratique payante et renforcer l’influence du Parti communiste chinois (PCC) sur cette dernière, mais sans succès.

Le PCC, dirigé alors par Jiang Zemin, devient par conséquent hostile au Falun Gong et commence en 1999 la répression de cette pratique sur le territoire de la république populaire de Chine. Le Bureau 610 est créé, afin de coordonner cette répression et les pratiquants sont dénoncés et arrêtés à travers la Chine. Lors de leur emprisonnement, ils sont sujets à de mauvais traitements ainsi qu’à des prélèvements d’organes non consentis.

Le Falun Gong continue d’être pratiqué clandestinement en Chine. Il s’est également développé en dehors de la Chine.

Dans ses écrits, Li Hongzhi affirme que des extra-terrestres sont présents sur Terre, tient des propos apocalyptiques et critique le métissage. The Epoch Times, un journal proche de l’organisation, a soutenu le président Donald Trump et relaie les théories conspirationnistes de QAnon et de la droite américaine contre le Parti démocrate parce que celui-ci est perçu comme assez favorable à la Chine communiste.

Voici comment je représenterais mon train de pensées en lisant cette description:

Je ne détiens pas la vérité. Je ne sais pas si le Falun Dafa est bon ou mauvais. Qui peut être contre un groupe dont les trois principes fondamentaux sont l’authenticité, la bonté et la tolérance? Je ne sais pas non plus comment me positionner par rapport à la Chine communiste moderne. J’ignore par-dessus tout si les intentions de Li Hongzhi sont altruistes ou égoïstes, ou même s’il est sincère. Tout ce que je sais, c’est que je m’attendais à voir un spectacle de danse racontant des histoires exotiques, et qu’à la place j’ai eu à me questionner si le prix de mes billets a servi à financer une organisation relayant des théories de QAnon et même épaulé la présidence de Donald Trump.

Cela m’a confronté au fait que la réalité est beaucoup plus complexe que je le croyais, et que j’ai été bien naïf en achetant mes billets pour Shen Yun. Si j’avais fait un minimum de recherches, j’aurais mieux su dans quoi je m’embarquais. Force est d’admettre que les tensions entre les adhérants du Falun Dafa et le régime politique chinois actuel sont fascinantes pour plusieurs raisons, mais cela n’était pas ce sur quoi je souhaitais apprendre ce jour-là.

Je me suis senti berné, trompé, eu. Je repensais au livre Influence, par Robert B. Cialdini et je remarquais que tous les signes étaient là pour me mettre la puce à l’oreille, que j’aurais dû les détecter, et que je suis pourtant tombé dans le panneau à pleine vitesse.

Je ne sais donc plus quoi penser de toute cette expérience. Globalement, elle s’est avérée bien plus nuancée que je m’y attendais. Au final, ce que j’ai appris de plus important est à quel point je suis un homme béni de vivre avec ma conjointe, qui m’a aidé à garder le moral et à voir le positif dans l’expérience. S’il y a quelqu’un sur cette Terre qui peut m’apprendre encore beaucoup de choses, c’est bien elle.

Ainsi, à Shen Yun et à toute cette expérience, je donne un timide pouce, parce qu’au minimum on m’a donné une bonne leçon d’humilité.

À Zuhan Falun, je donne sans hésiter mon pire classement à ce jour, un honneur peu enviable:

Félix rating:
👎👎

⭐ Star quotes:

Aucune.